Mon histoire
Nous nous ressemblons, toi et moi. J’aime passer du temps avec mes amis. Je me dispute parfois avec mes parents mais j’ai une bonne famille. À l’école, je me sens toujours sous pression, mais ce n’est pas nouveau. Je ne suis pas la personne la plus populaire, mais j’ai quelques bons amis. La plupart du temps, je suis tranquille et je me contente d’être là. Mais, j’ai un secret… Parfois, je ressens un vide intérieur si intense que je me fais du mal, volontairement. Je n’en suis pas fière, mais quand je suis seule, j’ai de la difficulté à résister à cette envie. Chaque fois que je me fais du mal, je me sens coupable et j’ai honte.
Je ne veux pas que tout le monde le sache car cela leur donnerait une autre raison de ne pas m’aimer. Si mes parents l’apprenaient, ils perdraient les pédales, ils me diraient de ne plus chercher à attirer l’attention de façon aussi négative. Mes amies sont au courant et ont promis de garder le secret. Je sais qu’elles s’inquiètent pour moi. Je voudrais ne jamais avoir commencé, mais j’ai de la difficulté à arrêter. Je ne sais vraiment pas quoi faire...
Qu’est-ce que l’automutilation?
L’automutilation, ça veut dire se faire du mal par exprès. Les gens pensent souvent que c’est comme tenter de se suicider, mais ce n’est pas la même chose. Certains se font du mal quand ils ressentent des émotions insupportables ou ont un sentiment de vide très intense. Quand on se fait du mal, ce qu’on cherche à faire, c’est essayer de gérer ses émotions. Bien des personnes qui s’automutilent ont des pensées suicidaires, mais ces blessures ne sont pas des tentatives de mettre fin à sa vie. Elles ne veulent pas se suicider, même si l’automutilation entraîne parfois la mort.
Savais-tu… Qu’une personne sur cinq âgées de 14 à 21 ans dit s’être déjà automutilée?
L’automutilation est-elle répandue?
Bien des gens pensent qu’on s’automutile pour attirer l’attention. La plupart des personnes qui s’automutilent vous diront que ce n’est pas le cas. Elles essaient habituellement de garder leur comportement secret. D’ailleurs, c’est pour cette raison que les chercheurs ont de la difficulté à établir l’ampleur exacte du comportement. Des études ont révélé qu’entre 1 à 14 % des jeunes s’automutilent. La plupart commencent entre l’âge de 13 et 15 ans. Selon des recherches antérieures, l’automutilation est beaucoup plus fréquente chez les filles que les garçons. Or, on constate maintenant que cette différence n’est pas aussi prononcée qu’on le pensait. Le comportement d’automutilation atteint habituellement son maximum entre l’âge de 16 et 25 ans.
Pourquoi?
On trouve des personnes qui ont des comportements d’automutilation dans toutes les cultures et tous les milieux, quel que soit leur sexe. Les jeunes disent souvent que c’est une façon de gérer le stress. La plupart du temps, mais pas toujours, l’automutilation est associée à l’anxiété, à la dépression ou au trouble de la personnalité limite.
Les jeunes s’automutilent pour :
- Soulager une souffrance, une détresse et des émotions aiguës;
- Atténuer un sentiment de vide intense;
- Exprimer leur douleur ou leur détresse à d’autres personnes;
- Avoir une impression de retrouver le contrôle;
- Se punir et exprimer une colère envers elles-mêmes;
- Réduire l’anxiété.
Une personne qui s’automutile ne le fait pas pour attirer l’attention, mais c’est un signe qu’elle a besoin d’aide. Il est naturel d’avoir du stress et des problèmes, mais l’automutilation est une façon malsaine d’y faire face. L’automutilation est un comportement qui est un peu comme une dépendance. Si elle n’est pas traitée rapidement et tôt, elle pousse la personne à le faire de plus en plus souvent et à se faire de plus en plus mal chaque fois.
Comment se développent ces comportements?
Cette façon malsaine de réagir au stress semble arriver quand la personne vit des émotions désagréables et qu’elle n’a pas appris ou ne connaît pas d’autres moyens plus sains de les gérer. Le chercheur N. Slee et son équipe ont créé, en 2008, le modèle suivant pour nous aider à comprendre comment les comportements d’automutilation se développent.
Les jeunes qui se sentent dépassés par les événements et qui ne savent pas comment gérer leurs émotions se font parfois du mal pour transformer leur douleur émotionnelle en douleur physique. Le geste peut apporter un soulagement temporaire, mais peut rapidement créer un cercle vicieux destructeur, difficile à arrêter.
Que faire pour arrêter de me faire du mal?
Plusieurs moyens sont à ta disposition pour gérer, réduire et, un jour, arrêter complètement l’automutilation.
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Parle à un membre de ta famille en qui tu as confiance. Par exemple, ta mère, ton père, une tante ou un oncle, une soeur ou un frère plus âgé. Tu en as peut-être déjà parlé à un adulte qui n’a pas su t’aider. Tu crains peut-être d’en parler à un adulte parce que tu as peur qu’il ne comprenne pas. Voici des suggestions pour t’aider :
- Aborde le sujet : « Est-ce qu’on pourrait se rencontrer pour parler? J’ai quelque chose d’important dont j’aimerais vous parler. »
- Exprime comment tu te sens : « Je me sens vraiment dépassé par ce qui m’arrive dernièrement. Je me sens vraiment stressé par __. »
- Demande du soutien : « J’aurais vraiment besoin de votre aide avec ce problème. »
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Dis exactement le genre de soutien dont tu as besoin : « Ce dont j’ai vraiment besoin, c’est quelqu’un pour m’écouter. J’ai de la misère à parler de mes sentiments si je sens qu’on me critique, qu’on me fait la morale ou qu’on me juge. »
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Parle à un enseignant, à un conseiller en orientation, à un médecin de famille ou à un pédiatre. Au besoin, ils pourront te diriger vers un conseiller ou un thérapeute qui a de l’expérience pour aider les jeunes qui s’automutilent. Un conseiller peut t’aider à trouver des façons de gérer ton stress. Il peut aussi t’aider à trouver des stratégies autres que l’automutilation pour gérer tes émotions (si c’est ce que tu veux).
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Identifie les situations et les émotions stressantes qui « déclenchent » ton comportement d’automutilation. Si tu sais ce qui t’amène à te faire du mal, tu seras mieux préparé pour gérer les situations différemment. Pour t’aider, travaille avec un professionnel de la santé mentale et pose-toi les questions suivantes :
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Est-ce que je me sens anxieux, déprimé, vide à l’intérieur ou en colère?
- Dans quel genre de situations est-ce que j’ai tendance à me faire du mal?
- À quoi je pense typiquement dans ces situations?
- Comment mes pensées affectent-elles mes émotions?
- Qu’est-ce qui me manque?
- Qu’est-ce que j’aimerais voir changer?
- Qu’est-ce qui m’a troublé?
- Y a-t-il quelque-chose qui a déclenché mon comportement?
- Est-ce que j’ai essayé autre chose pour gérer mon stress?
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Qu’est-ce que je peux faire différemment la prochaine fois?
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Change tes pensées malsaines. Tes pensées influencent vraiment tes émotions. Nous avons tendance à nous souvenir des choses négatives dans la vie et à oublier les bonnes choses comme nos réalisations et nos expériences et nos relations positives. Ce filtre mental laisse passer plein de négativité et bloque les bonnes choses que nous entendons et que nous vivons. Nous avons tendance aussi à ‘lire’ les pensées des gens qui nous entourent et à présumer qu’ils pensent du mal de nous. Nous sautons aux conclusions et réagissons aux situations en ayant presque automatiquement des pensées négatives. Tu peux changer ta façon de voir les choses, mais cela demande de la pratique. Commence par être plus conscient de tes pensées négatives (et nuisibles).
Remets-les en question en te demandant :- Comment je sais si cela est vrai? Quelles sont mes preuves?
- Comment je sais si cela est faux? Quelles sont mes preuves?
- Comment mes pensées ont-elles influencé ce que je ressens et ma façon d’agir?
Ensuite, essaie de penser à d’autres explications possibles pour la situation ou la réaction d’une personne...
- Elle est peut-être perturbée par autre chose.
- Cette affaire n’a peut-être rien à voir avec moi.
- Elle a peut-être simplement oublié.
Il est important de remarquer les « bonnes choses » dans ta vie, mais ça aussi ça demande de la pratique. Prends une minute chaque jour pour penser à quelque chose de positif qui s’est produit dans ta journée. Chaque jour, pense aux choses pour lesquelles tu es reconnaissant. Pratique-toi à être reconnaissant pour des petites choses : un bon muffin, la sensation du soleil sur ton visage, apercevoir un bel oiseau, un beau sourire, la sensation du poil de ton chat, un compliment, avoir un ami, etc.
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Apprends à gérer tes émotions. Les émotions varient de plaisantes à insupportables. Il faut être capable de ressentir nos émotions, mais aussi de les gérer. C’est difficile de prendre les bonnes décisions si les émotions prennent le dessus. Nous pouvons apprendre à gérer la tristesse, l’inquiétude et la colère sans laisser ces émotions nous contrôler. Il y a des choses que tu peux faire pour t’aider à te sentir un peu mieux. Quand tu te sens triste, anxieux, stressé ou en colère, essaie des activités pour te distraire ou te détendre. Voici des exemples :
- Prends de grandes respirations;
- Fais de la méditation;
- Passe du temps avec des amis (sans parler des choses qui te stressent);
- Mets de l’ordre dans ta chambre;
- Écris dans ton journal personnel;
- Lis;
- Fais une activité d’art ou d’artisanat;
- Fais de l’exercice (une marche dehors, du yoga ou une activité physique que tu aimes);
- Joue ou écoute de la musique;
- Regarde un film drôle;
- Prends un bain ou chante dans la douche.
N’oublie pas que ces stratégies ne fonctionnent pas pour tout le monde. Trouve celles qui fonctionnent pour toi!
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Améliore ta capacité de résoudre des problèmes. Tu peux vraiment développer ta capacité d’améliorer les situations et ton contrôle. C’est toujours plus facile de gérer une situation si on commence par la diviser en plus petits morceaux. Cette façon de faire peut aider à régler un problème de manière plus constructive. N’aie pas peur de demander de l’aide. Le fait de mettre les choses par écrit aide parfois à organiser les pensées. Si tu veux d’autres techniques pour t’aider à résoudre des problèmes, lis notre feuille d’information sur la santé mentale et les maladies mentales.
- Identifie le problème. Qu’est-ce qui te dérange? Est-ce que quelque chose doit changer? Si tu dois faire un changement, assure-toi que c’est important pour toi. Sinon, il est peu probable que tu mettras beaucoup d’énergie à le faire. Essaie d’être aussi précis que possible.
- Fixe-toi un objectif. Qu’est-ce que tu aimerais qui arrive au juste? C’est une bonne idée d’avoir un objectif, mais assure-toi qu’il est réaliste. Il n’est peut-être pas réaliste pour toi d’obtenir un « A+ » en mathématique. Cela dit, au lieu d’obtenir un « F » (échec), tu peux peut-être obtenir un « C ». Fais le suivi de tes progrès. Lorsque tu auras atteint ton objectif, continue sur ta lancée et fixe-toi un nouvel objectif.
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Trouve de nouvelles idées. Pense à toutes les façons possibles de te sentir mieux. Voici des exemples : choses que tu pourrais apprendre ou pratiquer; choses que tu pourrais changer; actions que tu peux entreprendre; personnes qui peuvent te donner du soutien ou t’aider à résoudre le problème.
- Fais un plan. Mets par écrit ce que tu vas faire pour atteindre ton objectif. Reste réaliste et aussi spécifique que possible. Rappelle-toi que les choses ne changent pas du jour au lendemain. Elles changent progressivement, avec le temps. Réfléchis à ce que tu vas faire pour surmonter les difficultés et les erreurs que tu vas rencontrer en chemin.
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Concentre-toi sur ce que tu vas faire plutôt que le résultat. Si ton objectif est d’améliorer tes notes à l’école, divise les actions en petites tâches faciles à faire, par exemple :
- aller en classe chaque jour;
- passer ___ heures chaque soir à faire mes devoirs;
- limiter le temps passé devant un écran à ___ heures par jour.
- Fonce et continue tes efforts. Tiens un journal de tes activités pour t’aider à suivre tes progrès. Accorde-toi de petites récompenses pour avoir persévéré avec ton plan. C’est correct de faire des erreurs. Cela arrive à tout le monde quand on apporte un changement dans sa vie. Essaie d’apprendre de ton erreur, puis continue à aller de l’avant.
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Réfléchis. Pense à ce qui fonctionne et à ce qui ne fonctionne pas. Assure-toi de remarquer les choses qui s’améliorent. Pose-toi les questions suivantes :
- Mon objectif est-il réaliste?
- Quelle partie de mon plan me cause des problèmes?
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Ai-je besoin : De plus de temps? De plus de soutien? D’un plan différent?
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Exprime-toi et communique de façon efficace. Pour t’aider à résoudre tes problèmes et à améliorer tes relations, c’est une excellente idée d’apprendre à communiquer plus efficacement. Si tu apprends à t’exprimer, il sera plus facile pour toi de demander de l’aide quand ta détresse devient si grande qu’elle t’incite à te faire du mal. Pour que tu te sentes mieux, il faut que tu parles de tes problèmes avec d’autres personnes et que tu demandes de l’aide. Tu peux le faire face à face, mais aussi tu peux écrire une lettre. Apprendre à communiquer t’aidera à répondre à tes besoins. Utilise la méthode « D E A R » expliquée ci-dessous pour t’aider à parler de tes émotions et de tes problèmes. Cette méthode est utile pour aider à s’exprimer et à résoudre des problèmes.
- Décris la situation actuelle. Essaye de t’en tenir aux faits. Par exemple : « Le dernier semestre a été pas mal dur. »
- Exprime tes pensées et tes opinions sur la situation. Par exemple : « Je me sens débordé et dépassé par tous les travaux scolaires. »
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Utilise le « je » pour t’exprimer. Le « je » est le meilleur moyen de faire passer ton message et empêche souvent l’autre personne de réagir sur la défensive. Les messages qui commencent avec « je » sont une façon respectueuse d’exprimer ton point de vue sans être menaçant.
- Je pense...
- J'aimerais...
- Je sens...
- J'ai besoin...
- Je crois...
- Articule ce que tu veux ou ce dont tu as besoin. N’hésite pas à demander du soutien à un ami ou à un membre de ta famille. Par exemple : « J’aimerais avoir de l’aide pour me préparer au prochain test. »
- Renforce ton message en disant à la personne comment elle peut t’aider. Aide la personne à se sentir bien de t’aider et de te soutenir. Par exemple : « Est-ce que vous pourriez revoir cette matière avec moi? Et aussi me donner d’autres exemples de problèmes que je pourrais faire par moi-même pour m’exercer? Je sais que vous êtes vraiment occupé et j’apprécie vraiment beaucoup votre aide. »
Rappelle-toi qu’il est plus facile de communiquer efficacement avec les personnes qui sont prêtes à t’écouter!
Mon histoire, partie 2…
Ma pire crainte est arrivée. Mon amie a parlé de mon problème avec la conseillère en orientation à l’école. J’avoue que j’étais furieuse et que je me sentais trahie au début. Maintenant, avec le recul, je comprends que mon amie a fait ça par amitié. J’ai rencontré la conseillère qui m’a dit que je n’étais pas seule et que ce n’était pas de ma faute. Elle m’a aidée à comprendre mes pensées, mes émotions et les choses qui me stressent. J’ai appris des stratégies pour m’aider à traverser les moments difficiles.
Elle m’a aussi aidée à parler à mes parents. La nouvelle les a vraiment bouleversés au début, mais ce n’était pas la fin du monde. Ils voulaient vraiment m’aider et c’était un soulagement d’avoir un plus grand nombre de personnes avec qui je peux parler de mes problèmes. Ils m’ont aidée à pratiquer les stratégies que j’apprenais. Ce n’était pas toujours facile, et il m’arrivait encore parfois de me faire du mal. Mais, à mesure que j’avançais, l’intervalle entre mes rechutes était de plus en plus long jusqu’à ce que je réalise un jour que j’avais plein d’outils pour m’aider quand je traversais une période difficile. Les choses ne sont pas parfaites, mais pour la première fois depuis longtemps, je peux dire que je suis heureuse et que je vois l’avenir avec optimisme.
Auteurs
Cet article est écrit par Michel Poirier (travailleur sociale) et le comité d'information en santé mentale du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario (CHEO).
Nos remerciements à la jeunesse de Reseau Ado (Youth Net) pour leur précieux commentaires et suggestions.
Avertissement
L’information contenue dans ce fascicule est de nature générale, et ne fait que fournir de l’information générale qui ajoute sans remplacer l’information donnée par votre professionnel de la santé. Votre fournisseur de soins de santé constitue votre meilleure source d’information sur la santé de votre enfant.
Licence Creative Commons
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